Laboratoire Musique et Informatique de Marseille                                                                                                                        

Concerts

Entrevoir entre temps

Un « échange de rôles » est-il possible entre la musique et les arts visuels ?
Il est connu que l'écoute active l'imaginaire, qu'elle nous permet donc, littéralement, de voir des images (... d'ailleurs, une écoute « pure » est-elle vraiment possible ? ... et encore : qu'est-ce donc que l'écoute ?...). Ce qui est moins évident, c'est la capacité des arts visuels d'évoquer des sons, des types de temps.
Voilà quelques interrogations que peuvent susciter les œuvres au programme de cette soirée. On voit par là que nos perceptions sont complexes et que la classification des cinq sens ne recouvre qu'une partie seulement de la réalité.

Moving through vidéo de Frank Dufour
Ô, temps, suspends ton vol ! interprétation graphique commentée d'une œuvre d'Olivier Messiaen, par Lysey
Il y a longtemps pour accordéon de Marcel Frémiot
Contrastes simultanés performance, Jacques Mandelbrojt : peinture en direct et Nicolas Bauffe : flûtes

Vous êtes ici

Espace, lieu, place, topos… mais aussi : trajet, chemin, passage, …ou encore : distance, écart, intervalle… et pourquoi pas : cosmos, immensité, univers… On le voit, l’espace sémantique est large, et ô combien inspirateur.

Stockhausen, grand mystique devant l’Eternel, a toujours cherché à communiquer avec une autre réalité, un autre monde. Dans sa Klavierstück IX (1954-1961), il est en fait question de temps, de dilatation du temps, mais on sait bien maintenant - depuis Einstein - que temps et espace sont intimement liés. Une fois franchie la grande « introduction » basée sur la répétition, inexorable, d’un même accord, on peut enfin accéder à un autre espace : là, les sons se meuvent dans un éther nouveau ; parfois fusent des souvenirs de l’ancienne réalité, mais il est trop tard, on ne peut revenir en arrière.
C’est donc une trajectoire unique sans retour possible qui est tracée ici. Dans Tierkreis (1974-1983), c’est bien plutôt de la figure du cercle dont il s’agit : musique en liaison avec les rythmes naturels de l’univers, mais aussi musique de la liberté et de l’intuition : l’effectif est libre et les différents moments qui se succèdent sont autant de « pensées autonomes » qui décrivent des lieux que l’on peut parcourir à sa guise : une sorte de non-lieu et de hors-temps.

Souvenez-vous : l’époque (... les années 1960, 70) était à la recherche de liberté : toutes les expériences étaient permises... et tentées... (sans doute une quête effrénée pour trouver enfin un lieu sûr où se reposer). Ce touche-à-tout vénitien ne pouvait manquer de laisser libre cours à sa passion de l’exploration : musique ancienne, électronique, direction d’orchestre, utilisation d’instruments traditionnels... Bruno Maderna fut une des figures majeures de cette avant-garde « prospective ». La Serenata per un Satellite (1969) en témoigne par sa forme dite ouverte... qui a semble-t-il inspiré nombre d’Italiens (qu’on songe aussi à Umberto Eco) ou d’amis de l’Italie (Boucourechliev, par exemple)... comme si certains lieux étaient plus propices que d’autres à l’évasion et l’abolition des frontières.

Pierre Malbosc qui fut longtemps le directeur du MIM avait une approche très visuelle de la musique ; tôt dans sa pratique de compositeur, il avait essayé d’établir des ponts entre couleurs et sons, et, tout naturellement, sa pièce Impressions fugitives (2002) avait pris place dans un concert qui célébrait le 300ème anniversaire de l’observatoire de Marseille.
... déjà le thème de l’espace abordé par le MIM : il semble bien que, nous autres « grands spécialistes du temps » soyons irrésistiblement attirés par cet(te) inconnu(e) si multiple : alors que le temps paraît « couler de source », l’espace nous échappe.
L’heure n’est sans doute plus aux aventures insensées et c’est pourquoi, chercheur à l’affût de quelque certitude, Marcel Formosa s’est engagé dans cette quête avec quelques balises : ses six espaces (hex-space) en poche, il a tenté d’y voir plus clair : l’espace créé dans l’esprit du spectateur-auditeur, l’espace réel (?) de la scène, la place que l’on occupe dans cet espace... et ce qu’on y fait...voilà parmi d’autres quelques pistes qu’ils a suivies ; des chemins qui devaient le conduire vers un ailleurs, vers un « parce que », vers un « c’est ici » (... mais loin d’où il était parti).
Des chemins qu’a parcourus d’une autre façon Jean-Pierre Moreau... lui aussi muni de quelques cailloux, il a pris son baluchon et a marché... parfois couru. Arrivé au terme de son périple, c’est Jacques Mandelbrojt (son peintre de complice dans cette quête) qui a pu voir enfin l’espace investi : « Sept lieues parcourues par l'imagination dans un libre enchaînement par similarités, par contrastes, qui créent un flux de paroles, de sons, d'images en mouvement soudain résumées en quelques traits qui deviennent une respiration, un tremplin. Tout bouillonne enfin puis disparaît pour un nouveau départ. »

Klavierstück IX pour piano de Karlheinz Stockhausen
Tierkreis (réalisation pour trompette et piano) de K. Stockhausen
Serenata per un Satellite (réalisation pour accordéon, trompette et piano) de Bruno Maderna
Impressions fugitives (réalisation pour trompette, piano et électroacoustique) de Pierre Malbosc
hex-space pour accordéon, vidéo et électroacoustique de Marcel Formosa
Sept lieues pour accordéon, vidéo et électroacoustique de Jean-Pierre Moreau (encres de Jacques Mandelbrojt, texte "Océan" de Claude Moreau)

Jacques Raynaut : piano, Gérard Occello : trompette, Solange Baron : accordéon, créations vidéos de Marcel Formosa et Jean-Pierre Moreau

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... des extraits des plus récents concerts, conférences... (audio, photos, vidéos)
La plupart des photos ont été prises par José Assa, technicien son et lumière de nos concerts.

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La forme parle

Tel est le titre de ce concert. La raison en est double. Chacune des œuvres que nous vous proposons est personnalisée, à ce niveau, par une forme peu courante. Seconde raison : il y a là une allusion à l’une des « Scènes d'enfant » de Robert Schumann, Le poète parle. C’est affirmer que les auteurs revendiquent ici, tout autant, une sensibilité poétique.

Comment la forme peut-elle parler ? Un exemple : la dernière cantate de l’Avent de Jean-Sébastien Bach. L’une des composantes les plus prégnantes de la forme de cette cantate est son parcours harmonique, parcours alors sensible aux oreilles des fidèles. La cantate débute en mineur, symbole des ténèbres d’avant la naissance du Sauveur. Elle se termine en majeur, symbole de la rédemption par l’avènement de Jésus, Christ.

  • PASSAGE 2 (Version concert, musique : Marcel Frémiot, texte, programme informatique et visuel : Philippe Bootz)

Souvent les compositeurs de grands ballets, et parfois d’œuvres lyriques à succès en ont extrait des suites de concert. L’ordonnancement de ces suites obéissait, bien entendu, non pas au parcours du livret mais à la seule logique musicale. Nous avons agi de même avec PASSAGE. A l’origine il s’agit d’une proposition issue d’un générateur multimédia, conçu spécialement, gérant images fixes et/ou mobiles, texte littéraire à lire et/ou à entendre et musique inscrits sur un CD-Rom interactif. C'est-à-dire que tous ces éléments peuvent évoluer, en étendue, en temps lexical, en moment et vitesse d’apparition et de défilement. Tout cela selon des clics plus ou moins opportuns réalisés par le lecteur.

La version concert organise des moments choisis de ce processus. Que reste-t-il alors du projet initial ? L’imprévisibilité de la forme. D’où une sensation de méditation ballotée au gré d’événements dont l’organisation nous échappe…. Oserais-je dire : un peu comme dans la vie ? Il subsiste, au premier degré de lecture-audition, le projet des auteurs de créer un phénomène : celui où aucun des différents médias ne prend jamais le pas sur l’autre ; où tous concourent à stricte égalité à l’expression sensible comme au discours. Car il y a aussi discours, ici ; discours jamais imposé. Et c’est, en fin de compte, au lecteur-spectateur-auditeur à le faire émerger, à travers les relations qu'il découvre entre les différents médias mis en jeu.

  • GRAINS (vidéo de Frank Dufour en collaboration avec l'Université de Dallas, Texas, USA)

Ces grains sont des grains d'énergie qui donnent naissance au mouvement. Leur rencontres créent des formes dynamiques, des histoires, des trajectoires temporelles que F. Dufour projette sur un paysage. Il aime imaginer qu'une œuvre musicale n'est pas qu'un parcours sonore, mais un être en mouvement, avec ses élans, ses hésitations, ses répétitions, ses défauts, ses chutes. Il aime imaginer aussi qu'une œuvre soit un paysage temporel où de tels êtres se rencontrent.

  • vrai(semblable)ment* semblable vraiment** (*vidéo de Jean-Pierre Moreau sur des encres de Jacques Mandelbrojt, **version musique mixte avec Nicolas Bauffe : flûte)

Peut-on dire une semblable expression avec des moyens différents ? Un « Je t’aime » dit avec des roses est-il le même « Je t’aime » dit avec des calissons. Autrement dit : des formes différentes peuvent-elles vraiment exprimer le même semblable sentiment ? C’est la gageure que cherche à relever Jean-Pierre Moreau ; et qu’explicite bien le titre de son œuvre.
L’œuvre donc commence par exposer une proposition d’images projetées conjointes à une musique acousmatique. Ceci dans un dispositif à l’italienne. Puis voici que tout bascule. Le dispositif devient circulaire ; le son entoure l’auditeur, la musique devient essentiellement celle d’une flûte que l’on voit évoluer, l’image a physiquement disparu et doit être remémorée par le spectateur. L’œuvre est donc interactive ; mais loin de l’interactivité impulsée par des clics de souris des œuvres auxquelles leurs auteurs donnent ce label, l’interactif est, ici, mémoriellement intelligent.

Et la forme, que dit-elle ? Je ne saurais, a priori, vous le proposer …parce qu’elle est réalisée par ce que chacun projette de mémoire, et réalise intérieurement, en quantité et qualité. Nous sommes ainsi dans un cas de figure nouveau, et peut-être novateur.



Que la musique devient complexe, dites-vous ? - Non, elle l’a toujours été. Mais sa richesse fait qu’elle a toujours pu être reçue, semblablement, au premier degré. Puisse-t-elle alors vous plaire.

Marcel Frémiot

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