"Le corps et le Dispositif" est le deuxième volet d'une démarche entreprise il y a deux ans avec un colloque intitulé : "De l'espace virtuel, du corps en présence". Cette deuxième étape poursuit la réflexion en la centrant sur deux projets dont les animateurs du LEEE sont porteurs. Il s'agira d'approfondir les relations nouvelles entre imaginaire, mémoire, et représentations, telles qu'elles sont redéfinies par l'usage de plus en plus généralisé des dispositifs numériques.

- La première table ronde réunie autour de Pascale Weber aura pour thème : les fonctions mémorielles et imaginaires et l'importance de l'espace pour fixer, ancrer et délimiter notre expérience perceptive.

"Immémorial (1996-2011) est un projet multimédia immersif qui traite de la mémoire comme fonction dynamique constitutive de notre construction identitaire, en proposant une taxonomie de modèles de réminiscences à la fois propres à chacun et communes à tous, réminiscences que j’appelle des ambiances audio-visuelles mémorielles.
Ce projet, en même temps qu’il traite de la fonction mémorielle de l’individu, traite de la mémoire de nos images, de leur lente dégradation, de la perte, mais aussi du recouvrement progressif et continu de notre existence par de multiples commentaires visuels venant indexer, archiver et médiatiser notre quotidien."
(P. Weber).

Plasticienne, et chercheuse en sciences de l'art, Pascale Weber développe depuis plusieurs années un travail de recherche théorique qui s'appuie sur ses expérimentations et réalisations artistiques. Elle fait appel ici à des spécialistes de divers domaines de la recherche et de l'expérimentation, tant technologique que philosophique ou scientifique.
Il lui en effet apparu nécessaire de tenter une approche transdisciplinaire de ces questions relatives aux relations de l'espace, des espaces à la mémoire et à l'imaginaire. Poser la question des environnements immersifs et du surgissement des souvenirs relève en effet de paramètres nombreux que les différents intervenants éclaireront chacun en raison de leurs expériences et connaissances.

Pascale Weber fait donc appel à:

Daniel R. Mestre, Directeur de l'Institut des sciences du mouvement de Marseille s'exprimera autour des questions de la perception et de l'immersion dans des dispositifs de réalités virtuelles.

Alain Berthoz, (PR Collège de France) doit nous faire parvenir une contribution portant sur les différents types d'espaces, ces différents espaces de perceptions, comment nous les identifions, comment nous basculons sans cesse de l'un dans l'autre. Je prévois également la participation de Pascale Piolino, psychosociologue travaillant sur l'autobiographie et la mémoire dans des dispositifs multimédia.

Raphael De Vivo, Directeur du GMEM (Scène nationale et atelier de recherche en musique et informatique) nous parlera de l'importance du son et de sa spatialisation dans notre perception des lieux.

Marc Chevaldonné, MDC informaticien spécialiste de la modélisation/simulation d'environnements virtuels (cockpits d'avion…) s'entretiendra de notre perception dans des espaces clos, des moyens mis en œuvre pour intégrer, gérer, traiter de multiples informations dans des conditions difficiles qui excluent toutes prises de recul.

Philippe Bootz, membre du MIM (Laboratoire Musique et Informatique de Marseille), physicien et MDC en poésie numérique s'intéresse à différents générateurs de textes et de langages, aux espaces imaginaires et réminiscents au sein de l'écriture, dans le cadre de dispositifs numériques complexes avec des chemins d'accès interactifs, aléatoires...

Pascale Weber interviendra enfin autour d'un projet multimédia entrepris il y a désormais quinze ans sur la création d'une base de 27 ambiances audio-visuelles mémorielles présentées dans une installation immersive. Elle a commencé ce travail tandis qu'elle était confrontée à des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer, en créant des situations sensorielles et émotionnelles favorisant la réminiscence et un l'exercice de questionnement identitaire. Ce projet a été soutenu cette année par plusieurs institutions et laboratoires et il a reçu le prix Pierre Schaeffer de la Scam.

- Seconde table ronde
Praticien de la vidéo de création multisource-multi-écrans, Jean Delsaux a expérimenté nombre de dispositifs qui lui ont permis d’aborder la question de l’espace :
Espace vécu, espace perçu, espace conçu, espace représenté, espace parcouru…
Son travail a rencontré deux éléments qui ont fortement imprimé leurs marques dans son élaboration : la Ville et la technologie.
Pour ce qui concerne la ville, elle est, comme l’a montré Butor, une succession, une forêt, un univers de signes, signes statiques ou dynamiques, signes induits, brouhaha, bruits, sons, mots, images. Ces images démultipliées à l’infini par l’industrialisation au XIX° siècle sont aujourd’hui, néons, journaux lumineux, signalétique, écrans géants, largement infiltrées par la technologie.
La Ville est un milieu de démultiplication de l’image, mais aussi, de plus en plus modélisée elle-même, elle est de plus en plus une image, elle fonctionne de plus en plus comme telle et nous naviguons en son sein environnés de miroirs, de capteurs, de caméras, de bornes interactives, de portillons de détection, de radar, de systèmes plus ou moins « intelligents » de vidéosurveillance.
La ville est devenue en elle-même un « environnement immersif ».
La technologie. Elle s’insinue dans tous les lieux les plus ténus de l’élaboration d’une pensée, d’un mode de vie, de la perception de notre environnement, elle structure par ses potentialités interactives nos raisonnements, nos expériences.
Aujourd’hui fabriquer une image n’est plus l’apanage des artistes, c’est devenu selon la crainte de Baudelaire la fonction de systèmes, de dispositifs qui de manière automatique vont produire des images, des films, des mémoires.
Mieux, ces systèmes analysent l’image, en extraient des informations, prennent des décisions de suivi, par panoramique, par zoom, par permutation de caméra, donnent des alertes en cas de détection d’ « événement anormal ».

Comment « voient » ces machines ?
C’est la question que nous poserons à Antoine Vacavant et à Benjamin Albouy-Kissi, enseignants-chercheurs en vision industrielle.

Comment « pensent » - elles ?
C’est la question que nous poserons à Serge Miguet, Professeur des Universités, Université Lumière Lyon 2 (Institut de la Communication).

Et nous, comment percevons-nous ? - L’espace par exemple - Comment extrayons-nous des informations du visible ? Comment construisons-nous nos représentations ? Individuellement ?
C’est la question que nous poserons à François Clarac, Directeur de Recherche émérite au CNRS.

Comment ces perceptions, ces représentations sont elles partagées? C'est la question que nous poserons à Daniel Lance, philosophe, spécialiste des théories de la communication.

François Clarac est membre du CNRS et a enseigné les neurosciences pendant de nombreuses années à Marseille.
Directeur de nombreux laboratoires, expert pour de grandes revues scientifiques internationales, il a été membre de nombreuses commissions visant à promouvoir la recherche en neurosciences. Il a également coordonnée de nombreux ouvrages internationaux et est lauréat de nombreuses distinctions scientifiques (Prix de l'Académie des sciences, Prix Academia europea, Prix de la Fondation IPSEN, etc.).
Aujourd'hui à la retraite, il continue à enseigner dans certaines Facultés (Aix-Marseille et Montpellier) et reste très actif dans le domaine de la promotion des neurosciences, et plus particulièrement des neurosciences intégratives et computationnelles.